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Les grandes tendances du monde des fictions mobiles

Ben Pengilly s’autoproclame pionnier de la fiction verticale européenne

  • Léa Vertigo
  • 17 nov.
  • 3 min de lecture

Ben Pengilly, producteur britannique spécialisé dans les mini-séries au format vertical, a récemment publié sur LinkedIn un message où il affirme avoir réalisé « the first ever vertical in Europe ». Autrement dit, il se présente comme pionnier du genre à l’échelle du continent. Peut-être a-t-il simplement confondu Royaume-Uni et Europe, mais cette assertion mérite d’être remise en perspective.


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L’expansion du vertical drama (ou duanju) en Europe n’est pas l’œuvre d’un seul homme, mais résulte d’une constellation d’initiatives parallèles menées dans plusieurs pays, souvent sans coordination, mais avec la même intuition : le téléphone portable allait devenir un écran de fiction à part entière.


Non sans froisser nos amis d’outre-Manche, la France et l’Ukraine font partie des premiers terrains d’expérimentation du format duanju en Europe.


Dès le printemps 2023, le réalisateur français Guillaume Sanjorge lance sur Facebook une micro-série verticale intitulée Les Aventures avec ma voisine (Next Door Adventure). Cette série engrange rapidement plusieurs centaines de milliers de vues en l’absence de toute plateforme dédiée. En seulement deux extraits publiés sur les réseaux sociaux (avril et juin 2023), elle prouve qu’un public existe. Faute de structure de diffusion nationale à l’époque, la série finira par être distribuée sur une plateforme asiatique en 2025.


Dans le même mouvement, les Français Alexandre Perrin et Adrien Cottinaud de Studio Quinze tournent également en vertical dès la fin de l’année 2023, avec des fictions courtes.


Là encore, l’enjeu n’est pas de revendiquer un « premier », mais de tester un langage, un découpage et une direction d’acteur adaptés au cadre 9:16, dans un contexte où aucune ligne claire n’est encore tracée en Europe.


En parallèle, l’Europe de l’Est joue aussi un rôle décisif dans l’essor du format vertical, au point d’en devenir le moteur économique principal sur le continent.


C’est en Ukraine qu’est née la première plateforme européenne dédiée aux duanju : début 2024, la start-up Holywater, fondée par l’entrepreneur Bogdan Nesvit, lance l’application MyDrama. Pensée dès le départ pour un usage mobile, cette plateforme propose un catalogue de séries verticales de deux à trois minutes par épisode, adaptées aux habitudes de visionnage fragmenté des jeunes publics. Le succès est fulgurant : MyDrama conquiert rapidement des centaines de milliers d’utilisateurs et génère plusieurs millions de dollars de revenus annuels dès sa première année. Pour produire à ce rythme, la plateforme s’appuie notamment sur Amo Picture, un studio ukrainien très investi dans le format vertical, qui devient l’un de ses partenaires de production privilégiés.


La société DramaShorts, cofondée par l’Ukrainien Leo Ovdiïenko, commence ainsi à produire des vertical dramas en Europe avant de s’étendre aux États-Unis. Ces acteurs adoptent une logique très collaborative : DramaShorts explique s’appuyer sur la diversité des équipes et des territoires pour séduire un public international. Ces plateformes et studios transnationaux témoignent que l’expansion du duanju ne s’est pas jouée dans un seul pays, mais via des efforts simultanés à l’échelle européenne et mondiale.


Collaboration plutôt que compétition : un format co-construit


L’histoire du vertical drama en Europe n’est donc pas celle d’une compétition pour un titre de « premier », compétition d’ailleurs largement imaginaire, tant le format est apparu quasiment en même temps dans plusieurs endroits sans que les protagonistes ne se concertent.


Au contraire, c’est une aventure collective, qui a vu se croiser et coopérer de multiples trajectoires. Plus à l’Est, les entrepreneurs ukrainiens ont apporté l’infrastructure technologique et les financements pour donner au format une véritable plateforme de diffusion de masse. Ailleurs, des auteurs et réalisateurs ont apporté les univers, les acteurs et les récits.


En reconnaissant la pluralité des forces en présence, on rend justice aux véritables artisans de cette révolution audiovisuelle : une communauté internationale de créateurs, producteurs et diffuseurs qui, chacun dans leur coin puis de plus en plus en réseau, ont construit pierre par pierre le succès du vertical drama en Europe.


Si Ben Pengilly mérite sa part de lumière pour avoir contribué à structurer la production verticale au Royaume-Uni, il est important de replacer son action parmi celles, tout aussi pionnières, de ses homologues.


Loin d’une légende du premier arrivé, seul vainqueur, le vertical drama européen est le produit d’un effort collectif, sans lequel le format n’aurait jamais connu une expansion aussi rapide et réussie.

 
 
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